Cette nuit, un duo fantasmagorique de lapins publiovres s’est vautré dans une orgiaque bacchanale de dégustation publicitaire. Au cours de cette hasardeuse déambulation nocturne, une dizaine d’affiches publicitaires auraient été sournoisement subtilisées, selon les forces du désordre… une quinzaine si l’on en croit les couinements courroucés des lapins publivores. Les lapins publivores sortent d’on ne sait où… Probablement d’un obscur terrier clandestin, tapi dans l’ombre au cœur du 93. Illes ont commis un étrange Manifeste, écrit du bout de leurs jolies pa-pattes… Mais si ! Vous savez, ces pattes que certain-e-s amputent pour confectionner d’indispensables portes-bonheurs, conjuguant dans un même geste superstition désuète et sadisme animalier.
Dans la nuit du 1er avril, les lapins publivores déambulèrent donc au hasard dans la ville endormie, s’attaquant sans vergogne aux 4/3, aux affiches publicitaires, aux murs blancs, gris, bleus ou verts, bornant les enclos étatiques et mercantiles qui envahissent l’espace public au point de le réduire à néant. Sur le qui-vive, sans cesse à l’affût, frétillant les moustaches, dressant les oreilles, et écarquillant les yeux, illes se savent traqués tels Bugs Bunny par un ramassis d’incapables chasseurs avinés : la maréchaussée !
Armé-e-s de cocktails molotœufs, de marqueurs, de bombes de peintures, et d’un enthousiasme débordant, ces Lapins Publivores bondissent d’affiche en affiche, de mur en mur, de ruelles en boulevards, pour y dévorer goulûment toutes les publicités qui s’y trouvent et y déverser joyeusement leurs esthétiques excréments colorés… Et oui, quand on bouffe de la pub, on chie de l’encre !
C’est pour conjurer par de réjouissants festins improvisés les accablantes turpitudes de leurs vies de lapin, qu’un duo de mammifères aux oreilles hypertrophiées et à l’incontrôlable libido a déferlé sur les affiches JC DECAUX qui maculent la ville de messages publicitaires. Au menu de cette succulente collation nocturne du 1er avril : assortiment de « sucettes ». Il existe une infinité de recettes de dégustation de ces affiches publicitaires, dont certains modèles sont appelés « Sucettes » parce que leur forme évoque cette confiserie emblématique… source de plaisirs enfantins et de fantasmes adolescents.
Les lapins Publivores, parce qu’ils sont vraiment trop mignons et de constitution fragile, ne sont pas friands de recettes telles que la pyromanie festoyante, le lancé hilare de parpaing sur cible fixe, la déconstruction pointilliste au brise vitre, et autres actes pimentés de vandalisme transgressif commis par d’intrépides encagoulé-e-s…. Illes y préfèrent une recette plus subtile, même s’illes respectent par ailleurs les amateurs-rices d’une cuisine plus corsée.
En entrée, l’ouverture de la sucette avec une petite clef artisanale en tube PVC (diamètre 1,6 cm). Une phase un peu délicate, c’est comme les huîtres, certaines résistent un peu et d’autres s’ouvrent le plus simplement du monde avec un peu d’habitude. L’affiche est soit consommée sur place, soit réservée pour de savoureuses préparations ultérieures, c’est ce qu’ont fait nos facétieux lapins…
Sur la page blanche qu’est devenue la « sucette » dépouillée, les lapins publivores, pas encore repus, écrivent une phrase brève plus ou moins inspirée : « Achetez moins, rêvez plus ! », « Ouvrez là, ouvrez la pub ! »… Ils finissent par un geste altruiste envers les lapins faméliques qui ignorent encore les joies de l’ouverture de sucette : en laissant une notice d’ouverture, comme celle qu’on peut trouver
ici.
En guise de dessert, nos prévoyants lapins publivores, au chaud dans leur terrier, se livrent aux joies du détournement publicitaire ; illes recyclent les pubs récoltées dans les sucettes, ou les confient à des ami-e-s inspiré-e-s. Il ne reste plus qu’à les transformer complètement pour en faire des journaux muraux, des tableaux, des dessins, des détournements esthétiques et politiques, et tout ce dont l’imaginaire peut accoucher.
Prenez par exemple une affiche sexiste, on en trouve à foison dans les sucettes. Celle récoltée par les lapins publivores parle d'elle même : "Pas besoin d'être une championne pour recycler ses lampes usagées." Elle part d'un double préjugé sexiste. C'est aux femmes de recycler les lampes usagées vu que c'est elles qui font les courses, gardent les gosses et font le ménage. Et elles sont vrament trop connes alors il faut leur ex-pli-quer les cho-ses comme à des enfants débiles pour qu'elles com-prennent.
Un peu de colle, végétale de préférence, quelques bombes de peintures, de l'encre, des journaux, des prospectus publicitaires, des images et des tracts glanés de ci de là...
Un peu de patience, de temps et d'imagination.
Les lapins s'agitent,quelques phrases surgissent : pas besoin d'être une championne pour saboter un bon souper, pour réclamer un salaire égal à celui des hommes, pour détourner une publicité, pour jouir, pour désobéir, pour fabriquer une bombe, pour émasculer un violeur phallocrate....
Le GLP voit dans ce festin de détournement et d’illégalisme, dans cette anarchique farandole d’interventions anti-publicitaires pour la réappropriation de l’espace public, de brefs moments d’autonomie… de fugaces instants enfin libérés des contraintes avilissantes d’une insupportable vie de lapin… Et qu’elles sont nombreuses :
- Rappeler sans cesse aux mioches de ne pas foutre leurs fragiles paluches sur les portes dans le métro parisien ;
- Assouvir les pulsions carnassières de chasseurs virilistes qui se servent de leurs armes pour se déchaîner sur du petit gibier (cerfs, biches, sangliers, lapins, perdrix), plutôt que de s’attaquer au gros (grands patrons, flics, juges, traders, militaires, banquiers, chefs d’Etat) ;
- Satisfaire l’appétit débordant d’une kyrielle de petits enfants, amoureusement nourris par une grand-mère au goût prononcé pour la moutarde de Dijon ;
- Servir d’emblème à un magazine qui couche sur papier glacé des images pornographiques payantes où la femme est réduite au rang de support marchand pour l’exercice pré-mâché et mécanique d’une masturbation solitaire dans laquelle l’imaginaire n’a plus sa place ;
- Courir et risquer sa vie, fuir jusqu’à l’épuisement une meute de lévriers hideux pour satisfaire les velléités spéculatrices de richissimes oisifs en costume de flanelle.
Et encore une multitude d’autres atrocités sur lesquelles nous ne nous épancherons pas, de peur de provoquer une vague de suicide chez les lapins qui nous lisent… ou même pire… un vent de révolte parmi les femmes et les hommes qui verraient dans ce simple texte au premier degré une quelconque manifestation d’anthropomorphisme révolutionnaire. Alors, qu’on se le dise, ce week-end du premier avril n’est que la prémisse de futures expositions éphémères et illégales dans les sucettes JC Decaux, de futurs mitraillages de 4/3 au cocktail molotoeuf et autres actions de sabotage anartistique des espaces publicitaires !
Pour un foisonnement d’attentats littéraires et picturaux contre la Marchandise et l’Etat ! Pour la collectivisation de l’espace public ! Pour la socialisation et pour l’autogestion des moyens de communication ! Lapins publivores de tous les pays, exprimez-vous !