PROFESSION DE FOI DU CAPTAIN CAPCitoyens,
Homme neuf, j’arrive avec des idées neuves. Je veux vous faire profiter de ces idées, et c’est pourquoi je viens à vous. Si vous me nommez, c’est un honnête homme que vous enverrez au Palais-Bourbon. Je ne crois pas devoir en dire davantage.
Après vingt ans de mer et de Far-West, lorsque je remis le pied sur le cher sol natal, qu’y trouvai-je ?
Mensonge, calomnie, hypocrisie, malversation, trahison, népotisme, concussion, fraude et nullité.
L’origine de tous ces maux, citoyens, n’allez pas la chercher plus loin : c’est le microbe de la bureaucratie. Or, on ne parlemente pas avec les microbes.
ON LES TUE !
Et c’est ce que je me suis juré de faire en dépit de tous.
Certains politiciens, vous le savez, ont intérêt à maintenir ce triste état de choses. Car, ce qui ruine le peuple, les fait vivre et les engraisse.
Mais ils sont assez gras comme cela, ces hommes néfastes.
Écartons-les de nous.
Loin d’être l’apanage de certains, L’ASSIETTE AU BEURRE doit être le privilège de TOUS.
Jetons donc sans crainte le cri d’alerte tandis qu’il en est temps encore.
Le vaisseau que nous montons est fait du chêne des vieilles forêts de France. La sève du sol gaulois circule dans ses flancs. S’il fait eau, radoubons-le et ouvrons l’œil au bossoir.
Déposons sur l’île déserte de l’oubli les nullités endimanchées qui ont essayé d’entraver notre marche en avant.
Jetons par-dessus bord paperasses et registres, et, avec les ronds-de-cuir de ces incapables, faisons des bouées se sauvetage.
J’ai dit ce que je voulais.
ASSEZ CAUSÉ !
Il faut défricher avant d’ensemencer. Défrichons !
Lorsque nous aurons enlevé jusqu’au dernier brin d’ivraie, nous verrons refleurir avec plus d’éclat que jamais la loyauté et l’amour de la Patrie, ces deux fleurs symboliques sans lesquelles sont vains les trois mots inscrits au fronton de nos édifices : Liberté, Égalité, Fraternité.
Citoyens,
Il vous faut un homme d’action, je suis prêt.
À dimanche donc, et pas d’abstentions.
Vive la République libre et sans bureaux !
Albert C…, dit Captain Cap.
PROGRAMME DU CAPTAIN CAP1º Établissement d’un fort sur la butte Montmartre ;
2º Établissement d’un observatoire sur la même butte ;
3º La place Pigalle port de mer ;
4º Fabrication des blancs gras en France ;
5º Suppression de l’impôt sur les bicyclettes ;
6º Rétablissement de la licence dans les rues au point de vue de la repopulation ;
7º Continuation de l’avenue Trudaine jusqu’aux grands boulevards ;
8º Suppression de la bureaucratie ;
9º Établissement sur la butte d’une Plazza de toros et d’une piste nautique ;
10º Suppression de l’École des Beaux-Arts, etc., etc.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 20 AOÛT 1893
IXe arrondissement, 2e circonscription.
Comité anti-européen et anti-bureaucrate.Citoyens,
Saint-Just a dit : « Vous avez renversé l’aristocratie, mais vous avez créé la bureaucratie.
Il y a cent ans de cela et aujourd’hui la bureaucratie est plus que jamais toute-puissante.
Elle a tout englobé, tout absorbé, tout envahi. C’est elle qui étouffe les génies et tue les grandes idées ; elle est la plaie européenne et l’entrave à tout progrès.
Jusqu’ici aucun des candidats qui se sont présentés n’a paru soupçonner l’existence de ce monstre formidable accroupi aux portes de la civilisation.
Cette pieuvre aux 100.000 tentacules, nul n’a osé l’attaquer.
Or, un homme s’est levé :
LE CAPTAIN CAP.
Et c’est dans le quartier Saint-Georges qu’il a voulu être le Saint-Georges de ce Dragon.
Un homme s’est levé, citoyens, et cet homme a regardé autour de lui.
Son regard a été obscurci par des nuages de Sandaraque.
Autour de lui il n’a vu que paperasses, ignorance, incurie et routine.
— Plus de ronds-de-cuir, s’est-il écrié. Assez longtemps nous avons obéi aux manches de lustrine.
Les temps sont venus de renverser cette bastille de cartons verts.
Alors, sans hésiter, à notre demande, il a tout quitté, son bord et ses chères études, pour saisir la barre du paquebot de nos revendications.
— Tout le monde sur le pont, a-t-il commandé et à l’abordage de la galère bureaucratique.
Citoyens, cet homme est le vôtre.
Nous sommes sûrs de lui comme de nous-mêmes : nous avons son passé comme garantie. Astronome distingué, chimiste, baleinier, ingénieur, pêcheur de perles, trappeur, négociant et surtout vaillant marin, il a, au cours de ses incursions dans les différentes parties du globe, acquis une expérience incontestable.
Ayant gardé au cœur l’amour vivace de la terre natale, il a conçu pour les institutions vermoulues de sa patrie une haine implacable.
Au Far-West, le Captain Cap a combattu les Arapahoes. Il les a vaincus ; il a scalpé leur chef.
Il va s’attaquer maintenant à ceux que, dans son langage imagé, il appelle : les sauvages blancs, les plus dangereux de tous.
Telles sont, citoyens, les grandes lignes de notre programme.
Le Captain, comme il nous l’a dit, est de plus nettement anti-européen.
L’expression d’une idée aussi noble et aussi généreuse se passe de commentaires.
Donc, citoyens, aux urnes et pas d’abstentions.
VOTONS POUR ALBERT C…
dit le
CAPTAIN CAP.
Maurice O’Reilly, Paul Frény, Alphonse Allais, Raoul Ponchon, Georges Auriol, Léon Gandillot, Howard Symonds, Georges Courteline, Émile Goudeau, Armand Berthez, Raphael Shoomard, Jean Prairial, Narcisse Lebeau, Paul Clerget, Henri Joseph, le prince Joe Masson, Barral, Brunais, Duplay, Gatget, Lacault, A. Bert, Jules Jouy, Gérault du « Cantal », Édouard Million, J. Paulet, Darcey, Alfred-Amand Montel, Jehan Sarrazin, Félix Huguenet, Paul Robert, Berthier.