Capitalistes, tremblez… la révolution s'esclaffe !
"De quoi qu'il s'agisse, je suis contre"Groucho Marx.
Les aléas de l'action directe et du sabotage anartistique en dilettante sont nombreux ! Ils font partie du "jeu" que devient la politique quand on décide de prendre les libertés qui nous sont dues sans quémander d'autorisation à l'Etat, sans compter sur la médiation d'un quelconque parti ou syndicat co-gestionnaire, bref sans attendre que d'autres nous libèrent à notre place de notre propre aliénation. La désobéissance ludique et créative et l'illégalisme hilare engendrent d'innombrables situations comiques et/ou tragiques qui, rétrospectivement, provoquent lorsqu'on les narre un rire jaune ou jovial, communicatif ou narquois, mais surtout libérateur et anti-autoritaire ! On rit du chef, de l'engallônné, du riche, du puissant, ou du cerbère à matraque. On rit aussi de soi et de l'autodérision à l'autocritique il n'y a qu'un pas… On rit de la misère et de la mort, parce que le rire conjure le sentiment d'impuissance qui nous étreint face à ce qui apparait comme d'inexorables fatalités. Le rire n'a pas de lois, pas de règles, pas de limite… Bouffonneries, carnavals, clowns et jeux d'enfants sont autant de brèches où se nichent l'impertinence, l'irrévérence, l'insoumission, autant d'interstices d'où germe le rire, spasme incontrôlé et incontrôlable, expression d'une fugace et intense sensation de plaisir et de liberté. ZO d'Axa présentant un âne aux élections présidentielles, Emile Pouget maniant l'argot gouailleur comme on manie le couteau dans les colonnes du Père Peinard, la figure subversive de Guignol ce modeste canut bastonneur de flicaille, et des régiments anarchiques de malandrins hilares et illustres, nous enjoignent à rêver d'une révolution sociale et libertaire dont l'origine serait un grand éclat de rire collectif ! Rire de l'incompétence de nos "représentants", rire de l'absurdité du système, rire des contradictions du capitalisme, rire de la violence que l'on nous inflige, et surtout rire de nous et de notre docilité, rire de notre larbinisme, rire de notre résignation sans laquelle rien de tout cela n'existerait. S'esclaffer collectivement de notre aliénation, quel plus majestueux geste inaugural pour l'accomplissement de cette phrase anonyme écrite sur les murs écarlates de 1789 :
"Les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux : LEVONS NOUS !"
Banksy, you told that joke twice. Nos errances nocturnes, jalonnées de joyeux actes de sabotage anartistique est toujours rythmée par les rires. L'envoutante jubilation à désobéir est une succulente réminiscence des transgressions enfantines. Elle a la saveur d'un plaisir interdit. Concilier délectation illégalliste et démarche politique permet de vivre la révolution plutôt que de l'attendre en vain. Zo d'Axa nous y enjoignait déjà, en 1892, de sa plume acérée :
« Vivre pour l'heure présente, hors le mirage des sociétés futures ; vivre et palper cette existence dans le plaisir hautain de la bataille sociale. C'est plus qu'un état d'esprit : c'est une manière d'être - et tout de suite. »
Comme si la bourrasque d'horreur qu'est le XXe siècle avait emporté au loin ces mots afin que jamais ils ne parviennent à nos oreilles... Comme s'ils avaient été rendus aujourd'hui inaudibles par la cacophonie infernale du discours dominant et de ses multiples déclinaisons… Comme si le rire, à l'image de toutes les formes de résistance dont se dotent les individus et les groupes, avait lui aussi été intégré dans la machinerie étatiste et capitaliste, contrôlé, aliéné, standardisé et mis en boite par les industries culturelles pour le vider de toute potentialité subversive. Contre ce rire administré par les émissions de télévision et les "comédies" qui n'en n'ont que le nom, contre le rire forcé et complaisant à la blague minable du donneur d'ordre, contre le rire sexiste et humiliant outil de la domination viriliste, contre le rire raciste qui se love derrière le paravent de l'humour pour renforcer les stéréotypes qui produisent la discrimination, contre le rire embourgeoisé et hautain qui projette dans la figure du bôf ses ignominieux clichés sur les classes populaires : nulle censure… simplement l'éclat cristallin d'un rire authentique : celui de la révolte !
Morts de rire !
Des souvenirs enfantins de quatre cent-coup aux expériences adultes de désobéissance, nous ne pouvons que constater à quel point il est poilant de désobéir, à quel point il est drôle de se révolter , amusant de lutter, à quel point il est récréatif de s'insurger. La puissance de ce rire-là outrepasse celle de tous les simulacres d'impertinence dont nous abreuve l'industrie du divertissement. Nos vies calibrées sont aussi tristes que la liberté est comique ! Pour changer le monde nous avons la conviction qu'il est indispensable de cesser de concevoir l'engagement comme une imbuvable discipline militante où le plaisir et l'humour n'ont pas leur place. Cessons de penser que faire la révolution c'est déchiffrer les textes illisibles sur la dialectique hégélienne ou s'empêtrer dans d'interminables contorsions théoriques qui confinent à la coquetterie intellectuelle. Libérons-nous de ces postures figées de moines de l'anarchisme, du socialisme ou du communisme. Rions de nous-même, de nos erreurs et de notre intellectualisme, de notre ridicule narcissisme de la petite différence et de nos dogmatismes, rions ensemble comme un préliminaire l'action collective pour abattre l'ordre établi !
Banksy, insane clown. Mais, me rétorquerez-vous : "les révolutions sont sanglantes, elles sont violentes, elles tuent… Doit-on rire de la terreur jacobine ? Doit-on rire du massacre et de la déportation des communards ? Rire Des insurgés de Kronsdadt décimés par Trotsky (ce Staline qui s'ignore !) ? De la révolution espagnole écrasée conjointement par le franquisme et le dogmatisme de l'URSS ? Doit-on rire de ces innombrables processus révolutionnaires avortés dans le sang qui jalonnent notre passé ? Les individus qui ont fait ces révolutions riaient-ils à gorge déployée avant de rendre leur dernier souffle ? "
Triste constat que celui qui nous accable à cette morose et inhibitrice certitude : tous-tes celles et ceux qui par le passé ont voulu joyeusement balayer le vieux monde par des révolutions ont fini massacré-e-s par les forces de la réaction et/ou par le monstre en elles qu'elles n'ont su maitriser et abattre : le communisme autoritaire, le socialisme étatiste, la vaste foutaise de l'Etat ouvrier/révolutionnaire/prolétarien ! Pour autant, nous refusons de nous résoudre à cette assertion du génial Léo Férré : "l'anarchisme est la politique du désespoir". La révolution est une vaste clownerie, il faut la prendre au sérieux sans se prendre au sérieux ! S'il est indéniable que les larmes enterrent les révolutions, c'est dans un éclat de rire et d'espérance qu'elles accouchent. Nous sommes partisans de l'obstination et de l'entêtement. Amouheureuses du comique de répétition, nous prônons les répétitions révolutionnaires et les révolutions répétées.
Comme tous les traits d'humour fondés sur ce procédé comique, les expérimentations révolutionnaires sont d'autant plus efficaces qu'elles sont monomaniaquement réitérées. Pour balayer d'un revers de la main ces objections forts justes sur la dimension éminemment tragique et violente des révolutions, réfugions-nous dans le souvenir romanesque de la figure mythique d'un Gavroche. On retient de lui ses derniers mots, épitaphe orale susurrée par un gamin illettré s'effondrant sur une barricade , fulgurant trait d'humour anti-intellectualiste craché à la face de la mort !
"Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau." Gavroche est une sublime allégorie de tous les gosses qui dans le Paris insurgé de 1789 ou dans les rues embrasées de la casbah insoumise jouent à la révolution. C'est-à-dire font la révolution comme un geste ludique qui ouvre tous les possibles. Un geste qui n'est pas seulement un moyen de faire advenir un autre monde, mais aussi et surtout une fin en soi pour ces gosses qui se jouent de l'Ordre avec une confondante spontanéité. Il nous faut ré-insufler dans nos corps et nos esprits corsetés par la discipline et le conformisme la spontanéité d'où jaillissent les révolutions.
Rirevoltons-nous !
Faire la révolution aujourd'hui, tout de suite et maintenant est perçu par l'immense majorité de la population comme une vaste blague ! Se déclarer pour l'abolition de la propriété privée, de l'Etat et de la monnaie, pour la destruction des prisons et la fin du nucléaire, contre le productivisme et pour la décroissance, nous fait passer au choix pour des utopistes allumés, des doux dingues rêveurs, ou pour de redoutables terroristes anarcho-autonome d'ultra-gauche ! On ne peut se contenter de déplorer ce conformisme bourgeois qui a substitué à l'idéal d'égalité, celui de la compétition permanente, à l'idéal de liberté, un consumérisme confinant à une grossière caricature d'hédonisme, et à l'idéal de fraternité, la peur panique de l'Autre. On ne peut non plus se contenter d'expliquer et de décortiquer les processus d'intériorisation des normes sociales et de naturalisation de l'ordre établi à l’œuvre dans la société capitaliste. Nous croyons, naïvement sans doute, qu'il est possible de retourner cette situation à notre profit en tirant une jubilation drolatique et communicative de nos modestes tentatives pratiques et minoritaires de faire advenir un autre monde. Peu de choses sont plus drôles qu'une manif sauvage ou qu'une autoréduction, peu de moments suscitent autant de rires partagés qu'une grève ou qu'une occupation, le rire administré par l'industrie du loisir n'aura jamais la force libératrice du rire de révolte. N'importe quelle soirée à thème dans la plus branchée des boites de nuits sera toujours d'un ennui profond comparé aux bals populaires dans les usines occupées de 1936 ! Il faut diffuser l'idée selon laquelle la révolution ne sera pas faite par les avant-gardes rationalistes et bureaucratisées mais par le peuple hilare brisant ses chaînes et jouissant d'une liberté à portée de main ! Orgiaques autoréductions rabelaisiennes, festives expropriations collectives, dionysiaques insurrections fantaisistes, c'est à nous d'écrire l'histoire tordante qui ridiculisera l'Etat et le Capital jusqu'à leur désopilante chute… Oui monsieur Mao, "la révolution n'est pas un diner de gala" mais ce n'est pas non plus un nouveau coup d'Etat, une énième conquête du pouvoir... La révolution est un carnaval, une fête, une explosion de rire qui balaye sur son passage le capital, l'Etat, mais aussi l'armée, le parti, la bureaucratie, et qui ridiculise tous les Maos en devenir dont elle pourrait accoucher !
Banksy : "vous riez maintenant, mais un jour nous serons au pouvoir". Alors sortons-les nez rouges et enrageons-nous dans la Brigade des Activistes Clowns, préparons des stocks de tarte à la crème pour soutenir l'Internationale pâtissière, et surtout riont au nez de votre patron, de nos chefs, de notre supérieur, de ceux ou celles qui donnent des ordres et de celles et ceux qui les exécute. Optons pour la propagande par le fait, perpétrons des gagattentats rigolanars et donnons-nous du baume au cœur en nous gargarisant joyeusement de prose marxisante détournée :
La révolution sera comique ou ne sera pas !
Prenons garde aux commiquariats poilitiques et autres coups d’État guignolcheviks !
L'émancipation du prolétariat riant sera l’œuvre des poilants parias eux mêmes !
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Quelques liens pour aller plus loin :
Carnaval, la fête qui retourne tout, brochure glanée sur infokiosque.net
Anthologie de la subversion carabinée, brochure glanée sur infokiosque.net
Textes de Zo d'Axa glanés sur la base de donnée de Non fides.
Deux textes d'Emile Pouget pour le père peinard glanés sur le site Drapeau noir.
L'internationale pâtissièreLa brigade des activistes clownsTexte : Anarchiste anonyme